Qu'est-ce qu'un traumatisme ? Sylvie Theis, Psychologue Montauban

 

 

Qu’est-ce qu’un traumatisme ?

 

 « Un traumatisme est un événement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans l’organisation psychique. En termes économiques, le traumatisme se caractérise par un afflux d’excitations qui est excessif, relativement à la tolérance du sujet et à sa capacité de maîtriser et d’élaborer psychiquement ces excitations ».[1]

 

Lors de la survenue d’un traumatisme, le psychisme ou plus précisément ce que l’on appelle en psychanalyse l’appareil psychique se trouve débordé par les excitations. Ainsi, cela n’est pas tant l’intensité de la violence subie que l’état de préparation ou d’impréparation de l’appareil psychique qui crée la survenue d’un traumatisme. Habituellement nous sommes outillés pour faire face à des excès d’excitations par ce que l’on nomme, le pare-excitations. Il s’agit d’une sorte d’enveloppe psychique interne, de barrière qui protège le psychisme d’un excès de tensions. Ainsi, l’état d’impréparation de l’appareil psychique face à des tensions crée une effraction du pare-excitations et ceci a des conséquences durables et invalidantes sur la vie psychique du sujet en question.

 

 

En outre, une des caractéristiques de la survenue d’un traumatisme est qu’il s’effectue en deux étapes. Il existe un après-coup dans le traumatisme qui fait que sa constitution peut avoir lieu au terme d’un temps de latence allant de quelques jours à quelques mois, voire une ou deux années pour que les signes cliniques apparaissent. C’est ce que nous définissons par l’après-coup du traumatisme

 

En psychiatrie, les signes cliniques traduisant la survenue d’un traumatisme ont été répertoriés depuis de nombreuses années et ce. d’autant que le siècle passé n’a pas manqué de confronter soldats et civils de la planète à de terrifiantes menaces. Freud, quant à lui, avait déjà noté chez les personnes victimes de traumatisme un mécanisme bien particulier dont le sommeil donne un exemple significatif : le mécanisme de répétition. C’est à partir de cette compulsion de répétition à l’œuvre dans le rêve que Freud a fait ressortir ce qu’il nommera une névrose traumatique : « La vie onirique des névroses traumatiques se caractérise en ceci qu’elle ramène sans cesse le malade à la situation de son accident, situation dont il se réveille avec un nouvel effroi. C’est là un fait dont on ne s’étonne pas assez. On voit, dans l’insistance à faire retour même dans le sommeil du malade, une preuve de la force d’impression qu’elle a produite »[2].

  

Le traumatisme reste actif aussi dans d’autres champs que celui du sommeil. Il affecte l’ensemble de la vie psychique du sujet et la compulsion de répétition déborde largement le champ de la vie onirique. Louis Crocq dans son ouvrage, Les traumatismes psychiques de guerre[3], poursuit à la suite de Freud et de plusieurs auteurs un inventaire des différentes formes de répétition actives dans le traumatisme :

- 1. la vision quasi hallucinatoire de la scène traumatique

- 2. le souvenir

- 3. la rumination mentale des dommages subis

- 4. la décharge émotionnelle (colère, agressivité, crises de larmes)

- 5. l’activité motrice (gestes, tics)

- 6. l’agir répétitif (besoin de raconter indéfiniment l’événement, d’assister à des spectacles de violence)

- 7. les rêves et cauchemars amenant la reviviscence de l’événement traumatique

  

Si le sujet ne trouve pas la possibilité d’abréagir ou plus spécifiquement d’élaborer le traumatisme, celui-ci se répète en quelque sorte sans discontinuer. Ce mécanisme de répétition est d’ailleurs une première ébauche de travail psychique pour supporter le traumatisme. Toutefois nous voyons bien au sein de l’inventaire de Louis Crocq comment il entrave le psychisme, la pensée et la capacité du sujet à interagir avec ce qui n’est pas lui. C’est en cela qu’il est une forme d’enkystement de la psyché. Le traumatisme ruine d’une certaine façon sans répit une grande partie du psychisme. L’émotion ou plus exactement l’affect qui y est associé est l’effroi et cet affect est toujours présent.

Dans le processus qui caractérise la survenue d’un traumatisme, l’angoisse tient un rôle extrêmement significatif. Le recours à l’angoisse est une tentative d’associer des représentations, de mettre en quelque sorte des images sur ce qui a fait effraction dans le psychisme et apparaît impensable. Or, l'événement qui vient se confondre avec un fantasme destructeur est traumatique. Si le recours à l’angoisse ne peut avoir lieu, l'élaboration du fantasme est bloquée. On aboutit à une confusion intérieur/extérieur. Il devient impossible au sujet de distinguer son fantasme de l'événement extérieur. Ces individus, qui ne parviennent pas ou peu à faire appel à l’angoisse, sont contraints de se dégager d’une certaine partie de la réalité afin de surmonter l’effraction subie. Ce mécanisme de défense, appelé en psychanalyse le clivage, a une incidence importante sur la façon dont est gérée l’agressivité propre. La réalité doit jouer normalement un rôle d'amortissement des fantasmes destructeurs ; elle vient les contredire et rassurer. L'événement traumatique empêche cet amortissement et vient au contraire confirmer le fantasme. 

 

 

Sylvie Theis

 

 

 

[1]. Cf : Sigmund Freud in “Essais de psychanalyse”, Au-delà du principe de plaisir.

[2]. Cf : Sigmund Freud in “Essais de psychanalyse”, Au-delà du principe de plaisir.

[3]. Crocq Louis, Les traumatismes psychiques de guerre, Odile Jacob, 1999.

 

Photo Francesca Woodman

Sylvie Theis, Psychologue Psychothérapeute Montauban, 21 rue de la Comédie 82000 Montauban. Contactez-moi au 07 77 22 40 73.

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